LE POIDS DE LA CHINE -QUATRIEME PARTIE

Publié le par Moni Olivier

- Nous avons eu énormément de chance mon cher Moussa, mais il faut que je continue mon travail, dites moi un peu plus sur le sujet qui m’intéresse, c'est-à-dire Nick Burton.

                        - Soit, mon cher Tanner, à la vérité je ne sais pas grand-chose, sinon que lui et mon jeune frère ont quitté le village il y a de cela un mois, ils avaient complètement virés mystiques après avoir vidé une bouteille de Mezcal mexicain coupé à la Benzédrine, Nick avait entendu parler d’un ashram non loin d’ici, ils ont dit qu’ils partaient en retraite loin des hommes et de leur turpitudes, ce sont leur mots, Nick semblait très impliqué dans ce ‘’Trip initiatique’’, ils n’ont pas emporté grand-chose sinon des gourdes remplies de téquila, des tranches de cheddar empaquetées dans du papier sulfurisé et des habits de rechange.

                        - Et tu connais le nom de cet ashram et ou il se trouve ?

                        - Un peu que je le connais, tout le monde le connais ici, c’est le Temple Stellaire de la Barrière d’ALDEBARAN, ça fait vivre pas mal de monde ici, et puis ça donne un peu de choix si on a pas envie de finir alcoolique en stade terminal, beaucoup de gens du village y travaillent comme permanents ou comme semi-permanents, c’est à deux kilomètres d’ici en prenant la route de Gloomscombe. Il y a un panneau énorme qui représente un moine affublé de la toge initiatique du temple qui est en aluminium et couverte de gnocchis froids.

                        -Ok ! Je te remercie pour ces détails, je me débrouillerais avec le reste, ma foi ! Je te souhaite bonne chance pour récupérer ton oseille et fais gaffe mec !

                        - Salut mec ! Bonne chance pour ton enquête, et repasses ici nous voir, on boira un petit coup en parlant du passé.

            Cette putain d’ enquête commençait vraiment à me tanner le cuir, j’avais déjà fait plus de cent vingt kilomètres pour les besoins de mon périple et j’espérais bien que la grosse et son daron me rembourserait mes notes de frais. Avant que je le quittes, Moussa m’a glissé dans la main un opuscule qui relate les étranges coutumes qui régissent Le temple stellaire. Je m’arrêtes donc un moment à la terrasse d’un café sur le bord de la route afin de m’imprégner des mœurs des cette étrange secte.

Premièrement, tous les adeptes de cette nouvelle église voue un culte sans borne a leur idole Saint Peter, le protecteur des alcooliques, tous les trois années bissextiles, St Peter se réincarne dans un mortel après la soirée dite de l’apéro géant ou l’on boit exclusivement de l’ouzo glacé. Une fois la nouvelle idole réincarnée, il ou elle devient l’objet de toutes les attentions de la part de ces fidèles.

Tous les matins, l’idole déjeune, puis ensuite elle va enseigner la bonne parole éthylique aux masses grouillantes qui se pressent à ces happenings déroutants. Tous en écoutant la bonne parole, les fidèles s’enivrent avec du mauvais rosé discount en cubitainer, qu’ils vont ensuite régurgiter sur la statue en marbre de St Peter, afin que lui aussi profite des émanations alcooliques. En même temps, la réincarnation de St Peter s’bourre au grand MARNIER jusqu'à une heure avant midi. Vient enfin l’heure du déjeuner, ou le représentant sur terre de St  Peter se défonce le cruchon avec du pastis de contrebande espagnol et du Kumquat, devant ses disciples ébahis qui le contemplent en train de picoler comme un trou tout en poussant des cris et vivats d’admiration béate. C’est ensuite quatre heures de siestes quotidiennes pour le grand maitre, sieste agrémentée de jeunes vierges a peine nubiles, qui viennent roucouler auprès du gourou et lui apporter plein d’amour et réconfort purement initiatique. Après ce bref repos, c’est le quatre heure, tout le monde se réunit pour une orgie de baba au rhum accompagnée de bouchées à la reine et tout le monde finit bourré à la chaîne. Pour finir en beauté cette journée studieuse et pleine d’enseignement, on entame un apéro vers dix huit heure qui se terminera vers vingt trois heures trente, heure à laquelle tout le monde va se coucher pour être en forme et recommencer le lendemain.

            Les préceptes de cette congrégation, en rupture totale avec ce qui se fait d’habitude dans ce genre de confrérie, n’étaient pas loin de me déplaire, malgré un côté ‘’ sport en extrême ‘’ que j’aurais sans doute du mal à suivre. Le rythme prôné par le gourou et ses adeptes demandait en effet un entrainement assez poussif afin de satisfaire aux multiples exigences de cette étrange église. Qui plus est, je me demandais bien ce qui avait pu intéresser le jeune Burton dans ce genre de libations somme toute assez éloignées de ses préoccupations de pureté et de zénitude.

            J’arrivais devant l’entrée du temple sur le coup des treize heure. Un portail en bois sculpté ou l’on pouvait deviner de manières stylisée, les fruits de la treille, gardait l’entrée de ce camp spécial. Un garde costaud et cours sur patte en gardait l’entrée. Il semblait cependant dans un état semi comateux frisant la somnolence, sans doute dû à une consommation excessive de produit de la dite treille, et parsemait ses réveils intempestifs de rôts bruyants et odoriférants ainsi que de jurons inintelligibles. Je l’évitais, en passant a proximité, et pénétrai sans aucune difficultés dans le sein des seins. Sans doute était il là pour justifier le portail et le portail était là pour justifier la présence du garde. Le complexe du temple stellaire couvrait une immense étendue de champs, ou fleurissaient ça et là des bâtisses mal construites ou non achevées, l’état d’alcoolisme permanent des ouvriers du camp ne permettant sûrement par d’arriver à un meilleur résultat. Le temple en lui-même représentait un immense tonneau ou l’on pénétrait par une petite entrée bien basse. Il flottait dans le camp une forte et entêtante odeur de vomi matinée de gros rouge qui tâche, mais le commun des mortels qui vivait dans le camp semblait y être plus qu’habitué et en prendre son parti. Seul un estomac fragile et peu habitué comme le mien, avait du mal à ne pas tourner de l’œil en quelque sorte. Comme la plupart des habitants du site était en train de dormir du merveilleux sommeil des pochetrons, je me promenais à l’intérieur du camp sans être importuné le moins du monde, de temps en temps des adeptes me lançaient des regards hébétés et avinés mais retournaient bien vite à leurs occupations principales, à savoir ronquer ou s’en jeter un derrière le col. Après les nuits de beuverie qui avaient été l’essentiel des mes occupations ces derniers jours, j’évitais comme la peste d’approcher ne serait ce que quelques centimètres d’un récipient contenant de l’alcool, ce qui en ces lieux relevait de l’exploit sportif. Pour m’éviter toute envie de succomber, je me dirigeais vers les vignes ou les rares habitants encore en état de travailler, cultivaient d’arraches-pieds les vignes du grand gourou, qui produisait le vin béni, boisson primordiale de ce lieu divin. Deux jeunes gens et une jeune fille étaient en train de ramasser à la main  les grappes de raisin bien juteuses et les balançaient dans de gros paniers en osier qu’ils portaient sur le dos. J’entamais une conversation avec eux, il y avait Mustapha, Sébastien et Valérie. La loi du camp imposait à ceux qui travaillait le lendemain au champ, de boire avec modération la veille au soir, afin que la production de pif ne se trouvât pas paralysée, et nos jeunes amis faisaient donc partie de l’équipe du jour.

             - Le travail n’est pas trop dur les enfants ,

             - Putain oui monsieur, même si hier on n’a pas trop liché, je vous assure que rester au soleil comme ça toute la journée, ben putain ça calme, me répondit Sébastien.

            -  T’as les glandes SEB ?

            -  Assez, me répondit-il

            - Et toi Mustapha, tu en penses quoi de tout ça ?

            - Moi  monsieur j’en peux plus, je suis à deux doigt de calancher je vous jure, j’ai comme des nausées et la tête qui tourne, répondit-il avant de tomber inanimé devant mes yeux.

            - Oh putain, y’a Mustapha qu’est mal, cria Valérie.

 

Deux hommes costauds, en retraits qui surveillaient les travailleurs, vinrent se saisir du jeune homme, Valérie me raconta qu’il l’amenait au dispensaire histoire de lui donner un truc pour le requinquer, en l’occurrence un bon verre de grappa, après quoi il serait dispensé de travail aux champs pour la journée. Valérie s’approcha de moi me tendant une bouteille emplie d’un liquide blanchâtre :

                        - Vous en voulez une lichette Monsieur … ?

                        - Tanner, Mickey Tanner, détective privé, puis je me saisis de la bouteille pour goûter le breuvage si gentiment offert. J’en ingurgitais une larmichette et aussitôt mon gosier explosa et mes yeux semblèrent sortir de leur orbite.

                        - Oh la vache ! C’truc tuerait !

                        - Ca c’est sur Monsieur tanner, quand on n’est pas habitué, c’est un cocktail de DRAMBUIE avec un peu de Marie BRIZARD, c’est une recette à moi, ça me donne des forces pour bosser ici.

                        -Effectivement ça donne un coup de fouet, mais je vais en rester là, j’étais en ville hier soir et ça a mal fini, je savais plus ou j’habitais ni comment je m’appelais.

                        - En ville, ce sont des petits joueurs, on n’est pas sur le même terrain, bel effort de leur part mais encore loin de pouvoir intégrer notre merveilleux camp de vacances. Et vous monsieur Tanner pourquoi êtes-vous ici ?

                        - Je suis à la recherche d’un jeune homme qui semble faire partie de vos confrères en ce lieu, il s’appelle Nick Burton, sauriez-vous ou je puisse le trouver ?

            Son visage vira cramoisi, et elle resta la bouche ouverte comme interloquée.

- Je m’excuse monsieur Tanner, mais cela fait tellement longtemps que je n’avais plus entendu le vrai nom de notre précèdent gourou. Oui, monsieur Tanner, Nick était le guide suprême de notre confrérie avant qu’ONESIME FOIN prenne sa place.

            Ce fut à moi d’être interloqué, ce sacripant avait non seulement séjourné dans ce camping hédoniste mais il en avait été le grand chef, la divinité. Ce type commençait vraiment à m’impressionner. Valérie me confirma une nouvelle fois, hélas que le quidam et son compère avait quitté les lieux le jour même ou le nouveau guide avait été intronisé. Cette enquête était en train de devenir une quête, et j’avais l’impression que Nick me fuyait, comme si il était au courant que je le recherchais. Elle donna vaguement l’adresse d’un cultivateur proche qui l’aurait hébergé durant quelques nuits moyennant un coup de main dans sa ferme et c’est d’un pas décidé mais néanmoins traînant que je repris mon chemin.

            J’arrivais dans la soirée au domaine dont Valérie m’avait donné l’adresse, c’était une ferme traditionnelle du Devonshire, ce qui était étrange car nous étions dans le Sussex, région bien connu pour ses maîtres pipiers. Le propriétaire à  qui j’avais téléphoné avant, s’appelait  Victor et il m’accueillit à bras ouverts. Il avait un air plutôt sympathique, et me proposa d’entrer dans sa demeure gigantesque.

Victor était un ancien commandant des forces spéciales du MI², une subdivision du MI6, ou il commandait une escouade spécialisée dans le plastiquage de denrées alimentaires et la destruction d’usine de fromage, c’est dire si sa carrière avait été plutôt relax au niveau de ses missions extérieures. De ce fait il avait pu se payer cette ferme, et y pratiquer la culture de la luzerne, l’élevage de poulets en batterie ainsi que quelques hectares de vignes et une bananeraie très fertile et un troupeau de mouton. Il avait d’ailleurs un problème avec ce dernier car le troupeau envahissait régulièrement ses vignes pour bouffer les raisins, ce qui fait que les moutons avaient la laine qui sentait le vin.

            - Alors mon jeune ami, nous allons dîner, je vous ferais faire le tour du propriétaire et puis nous irons dormir.

            - Ah je vois que le Commandant couche tôt !

            - Certes jeune homme, nous parlerons de votre affaire demain matin devant un bon café.

            - C'est-à-dire que je ne comptais pas trop m’éterniser chez vous je ne veux pas vous gêner.

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